Traitement du Digestat
Dans certains pays ou régions européennes, principalement aux Pays Bas, en Belgique, en Bretagne, l’élevage est si intensif qu’il génère un excédent de déjections par rapport aux potentialités locales d’épandage. En conséquence, dans ces régions les agriculteurs sont demandeurs de techniques de traitement des déjections qui puissent éventuellement leur permettre d’en exporter la partie excédentaire. La méthanisation est connue pour modifier les composés organiques des déjections et rendre la séparation de phase beaucoup plus aisée. Pour ces raisons il existe un intérêt spécifique à combiner la méthanisation à petite échelle et le traitement du digestat.
La faible teneur en matière sèche des déjections rend onéreux leur transport en vu de l’épandage dans des zones en manque d’éléments minéraux. Pour se débarrasser du surplus de déjections, différentes techniques de traitement sont utilisées pour concentrer leurs éléments fertilisants. Sur les exploitations ayant une assise foncière, les technologies applicables à l’échelle de la ferme ont pour but principal de traiter le surplus de déjection plutôt que la totalité, le restant pouvant être épandu sur les terres en propre.
Les principales caractéristiques des technologies de traitement du digestat sont exposées ici. Pour plus d’informations, veuillez cliquer sur les différentes options proposées ci-dessous :
Séparation de phase - Les déjections sont séparées en une fraction solide et liquide
La technique consistant à traiter les déjections ou le digestat au moyen d’une séparation de phase mécanique conduisant à une fraction solide (30% de matière sèche) et une fraction liquide est assez courante.
Au besoin, pour aller plus loin dans le traitement, la fraction solide peut être transformée en compost ou séchée ; la fraction liquide peut être purifiée en lui enlevant dans un premier temps les dernières fractions de matière sèche (par exemple par ultra filtration ou par une unité de flottation par air dissous) puis la majeure partie de ses éléments minéraux (par exemple par le stripping de l’azote, la production de struvite ou l’osmose inverse). Avec les produits finaux résiduels, des combinaisons spécifiques peuvent être élaborées et servir de substituts aux engrais minéraux.
1.1. Séparateurs a vis
Les séparateurs à vis sont souvent utilisés dans les élevages intensifs ayant de gros volume de déjections. Ils sont aussi souvent installés dans les plus grosses unités de méthanisation pour permettre la recirculation qui réduit les volumes de digestat ou comme première étape d’un traitement du digestat plus poussé. La déshydratation est obtenue par pression mécanique du digestat par une vis convoyeuse contre une butée. Le liquide résultant est évacué à l’extérieur en passant à travers une crépine d’une maille de 0.1 à 1 mm de large. Le digestat traité passe ainsi d’un taux de matière sèche de 4 à 15% à une teneur moyenne de 18 à 35%. En raison de la simplicité de la méthode, le taux de matière sèche de la phase liquide reste relativement haut avec environ 3 à 4%.
Les composants principaux comme la presse à vis et la crépine sont souvent en inox. Le contenant est soit en fonte, en inox ou en inox moulé.
La capacité électrique installée s’échelonne entre 3 et 11 kW. Les éléments essentiels sont l’unité de séparation, le système de support et le dispositif de contrôle.
Si le séparateur n’est pas nécessaire à temps complet, un module de séparation mobile à louer peut être plus économique.
1.2. Decanteurs
Les décanteurs peuvent réaliser une séparation avec plus d’efficacité que les presses à vis. Les mécanismes de séparation sont différents ; les décanteurs sont basés sur le principe de centrifugation alors que les presses à vis compressent le digestat à travers un filtre d’une taille de maille particulière. Les décanteurs ne sont pas souvent utilisés dans les unités de méthanisation à petite échelle du fait de coûts de fonctionnement élevés.
Compostage - La fraction solide est compostée par lot.
Le compostage est un processus biologique par lequel la matière organique est transformée en présence d’oxygène en composés humiques par des micro-organismes. Durant la fermentation, de la chaleur, de l’eau, du CO2 et des composés odorants sont émis. En raison de l’évaporation de l’eau et de la décomposition de la matière organique, la teneur en matière sèche augmente et le volume diminue (Melse et al ; 2004). Des installations de compostage de déjections animales sont proposées par différents constructeurs. Les déjections subissent en premier lieu une séparation de phase. La fraction solide est compostée dans un tambour, en andain ou en silo. La fraction liquide est stockée. Le compostage étant une fermentation aérobie, le substrat est par conséquent aéré soit par insufflation d’air soit par retournement mécanique. Si le substrat est insuffisamment structuré ou manque de carbone, on peut ajouter un matériau complémentaire comme la paille pour que le processus démarre. Durant le compostage de la chaleur est produite. Si le process est bien contrôlé, les températures peuvent atteindre plus de 70°C permettant l’hygiénisation nécessaire à la valorisation du compost.
Séchage – Le digestat est séché et valorisé pour pouvoir être exporté
Stripping de l’azote - Production de sulfate d’ammonium (reconnu comme fertilisant minéraux)
Le stripping de l’azote est largement utilisé en industrie. Différentes techniques sont disponibles mais le principe reste identique : dans une colonne de stripping, l’ammoniaque est transformée en phase gazeuse en jouant sur le pH et la température. Ce gaz est ensuite lavé dans un épurateur avec de l’acide sulfurique.
Lier l’ammoniac avec de l’acide sulfurique est largement répandu en agriculture (par exemple en Allemagne et aux Pays Bas), notamment dans les porcheries, où des laveurs acides évitent les émissions d’ammoniac hors des bâtiments. Le produit final est un engrais riche en azote (reconnu comme engrais minéral). Si la température de la colonne de stripping est suffisamment élevée, l’hygiénisation peut permettre la valorisation commerciale du coproduit.
Production de Struvite – Production d’un engrais riche en azote et en phosphore
La production de struvite est basée sur la précipitation du phosphate, une technique largement utilisée dans les équipements de traitement de l’eau pour extraire l’azote et le phosphore des eaux usées. Le phosphate se lie au magnésium et à l’azote pour former de la struvite (Mg (NH 4) PO 4 • 6 (H2O) qui est un cristal minéral. Du fait que les cristaux se forment dans le digestat, ils peuvent encore contenir certaines particules organiques, par conséquent ils ne peuvent pas être valorisés sur le marché sans pasteurisation.
Le processus de précipitation du phosphate se déroule ainsi :
Les déjections sont pompées dans une cuve et mélangées à de la soude caustique et à du chlorure de magnésium. Dans cette cuve, les orthophosphates (le phosphore non lié présent dans le digestat) réagissent avec l’azote et le magnésium pour former un cristal. Ce cristal croît lorsqu’il entre en contact avec davantage de phosphate, d’azote et de magnésium. Lorsqu’il est assez gros, le cristal est séparé des déjections. Les cristaux sont lavés pour avoir une struvite « propre » à l’issue de la séparation. Quand la struvite subit un traitement à haute température (pasteurisation) elle peut être exportée.
Par la production de struvite, les éléments minéraux sont concentrés ce qui permet de limiter le nombre de trajets nécessaires pour se débarrasser de l’excédent de déjection.
Le règlement européen (EG 1069/2009 sur les sous-produits animaux) interdit l’exportation et le transport de coproduits issus des déjections non pasteurisés. Dans ce cas, une étape de pasteurisation doit par conséquent être prévue ou les technologies utilisées doivent permettre une montée en température suffisante (le produit final est reconnu comme coproduit de déjection pasteurisé). Pour plus d’information sur le règlement EG 1069/2009 cliquez ici. Les techniques de traitement suivantes peuvent être conduites en conformité avec ce texte.
- Compostage – La fraction solide est compostée par lot
- Séchage – le digestat est séché et valorisé pour pouvoir être exporté
- Stripping de l’azote – Production de sulfate d’ammonium (reconnu comme fertilisant minéraux)